Marathon de Caen 2014

La Gazette Des Baskets vous livre tel quel le compte rendu de Fabien sur son premier Marathon :

Marathon de la liberté, 42.195 km de Courseulles Sur Mer  au Mémorial de Caen.


La carte interactive (http://www.lescourantsdelaliberte.com/fr/parcours-des-courants-de-la-liberte.html)

LA PRÉPARATION :

Mon objectif pour un premier marathon est ambitieux : approcher 3h30 en tenant le plus longtemps possible une moyenne à 5’ du km. Je me suis testé plusieurs fois pendant la préparation sur les sorties longues : l’allure ne me pose pas de problème sur des distances de moins de 30 km en parcours accidenté. La question, c’est de tenir sur le marathon : la réponse à la fin du récit...

Mon coach personnel Eric "Jeremiah Johnson" Lemaire pense que c'est dans mes cordes.

J’ai suivi un plan d’entraînement 3h30 sur 12 semaines, avec 3 sorties par semaines. J’ai respecté les durées de sorties et les rythmes proposés mais je n’ai pas fait de fractionné, préférant un parcours hebdomadaire de 12km (forêt de Carnelle) avec une cote de 3km pour 300m de dénivelé (côte des Princes), effectuée le plus rapidement possible. J’ai remplacé le semi de préparation par un trail de 19km, le trail des Aubins en forêt de Carnelle (95). J’ai globalement dépassé le plan en kilométrage en effectuant plus de 50 km chaque semaine, sauf les deux dernières bien entendu.

Ai-je suivi un plan alimentation ? Là je dois avouer que j’aime manger et boire. Les boissons énergétiques et les tubes de bouffe synthétique, ce n’est vraiment pas mon truc. La veille au soir une bonne plâtrée de spaghettis bolognaise, le matin du jour J, levé 6h30 et petit déjeuné habituel : un jus d’orange, un bol de corn flakes, deux tartines et un bol de thé, soit 2h30 avant le départ. Je ne vais pas me lever à 5h non plus ;).

Je redoute deux facteurs : le vent, j’ai fait une sortie de 16 km le long des plages de Luc-sur-mer à Ouistreham en avril. Le vent était nord-est, pas loin de 40km/h : difficile ce jour là, de courir à moins de 5’20 sur 8km face au vent. Si le vent est au nord-est, les 18 premiers kilomètres du marathon ne seront pas si simples.
Le deuxième facteur, c’est l’inconnue au-delà du 30e km, et ce marathon monte doucement, mais sûrement du 26e au 39e km.

Un mot sur mon « équipement », j’ai une ceinture avec deux gourdes remplies d’eau, deux pâtes de fruits au cas où je loupe un ravito. Ma douce moitié m’a bricolé une pochette sur la ceinture pour trimballer mon smartphone : l’application Endomondo égraine vocalement le temps moyen chaque km, ça me suffit et pas de stress la montre au poignet, je préfère être à l’écoute de mes sensations.

LE JOUR J :

Voici donc venu le jour J : temps couvert et frais, vent annoncé au nord-est à 35 km, aïe. On verra bien. Nous sommes tout de même plus de 2000 au départ. Ma stratégie est simple : me placer 30 à 50m derrière le meneur d’allure 3h30 et suivre le plus longtemps possible tant que les sensations sont bonnes.

Je retrouve Gilles avant le départ, on tape une bavette 5mn, il faut se préparer pour le départ : je mets mon sac au vestiaire, je retourne près de ma chère et tendre. On va prendre une photo Baskets mais plus de gilles : les concurrents affluent et se resserrent. Bon, je remonte vers la ligne de départ.

LA COURSE :

9h10, c’est parti, je lance le « chrono » sur le téléphone et le place dans la ceinture. 200m après le départ, mes gourdes bougent, je dois resserrer ma ceinture : mauvaise manip, la ceinture se relâche, les gourdes se retournent, le smartphone s’échappe de la pochette mal fermée pour s’éclater sur la chaussée...

J’adresse ici un message d’excuses confuses à la dizaine de coureurs que j’ai gêné en ramassant les morceaux. Je les remercie aussi d’avoir fait l’effort de ne pas piétiner mon précieux.

 …Me voici donc reparti, courir sur le coté pour arrêter d’emm.rder tout le monde, remettre la batterie puis la coque du téléphone, rallumer, attendre, rentrer le code pin, relancer Endomondo, relancer le parcours : ça tombe bien me voici pile poil au premier km.

Bon, où sont les meneurs d’allure 3h30 ? J’ai du prendre un peu de retard tout de même, je vois un drapeau 200m devant, je remonte tranquillement : 2e kilomètre en 4’42. Allez, une petite vanne pour détendre tout le monde : «plus que 40 bornes les gars, on a fait le plus dur». La marathonienne aux baskets roses que je rattrape reste impassible, concentrée sur sa course.
 
Je rejoins le meneur : 3h45, ce n’est pas le bon. La route est large j’en profite pour doubler. Le groupe suivant, 100m plus loin, doit être le bon avec 2 drapeaux. 3e km en 4’43, je me rapproche 4e km en 4’34 : houla faudrait voir à se calmer !

Je rejoins le groupe à peu près au 5e km effectué en 4’45 : c’est bien le train de 3h30. Je me case 30m derrière, nous sommes une bonne cinquantaine, plus qu’à se laisser porter tranquillos. Je bois une demi bouteille d’eau au ravito, tranquillement, par petite gorgée. Je ferai de même tous les 5 km.

Il y a une grosse animation sur la route à St-Aubin, un groupe envoie du rock bien saturé, beaucoup de supporters sur le bord, bonne ambiance. Le vent est plutôt latéral et les meneurs d’allure forment un peloton protecteur.

Les kilomètres s’égrainent tranquillement et régulièrement entre 4’’50 et 5’’. A la sortie de Langrune, un groupe de majorettes agite des pompons bleus. Je lance un «bravo les filles et bon courage, vous allez en avoir besoin» : je jette un œil à la concurrente au t-shirt jaune fluo qui suit elle aussi le train de 3h30, impassible, concentrée. Il faut que j’améliore mes blagues.

10e km, Luc-sur-mer, un petit coucou à ma douce moitié et mon cadet, je lève les bras pour la photo : je suis fier d’être marathonien… enfin pas encore.
11e km et 12e km, la route de Lion surplombe la mer d’une dizaine de mètre : un coin sympa pour courir à marée basse sur la plage, sous la falaise.
On traverse Lion-sur-mer par la rue principale : dommage que le parcours ne passe pas par le bd de la mer devant les magnifiques propriétés, face à la plage.

16e km rentrée dans Ouistreham, vers le 17e, un gamin debout, seul sur le trottoir, joue pour nous de la flûte traversière : génial.
19e km, on tourne pour rentrer dans les terres : un groupe de supporters  entonnent d’une voix monocorde avec le plus grand sérieux «on est pas fatigué, on est pas fatigué ». Je me marre, mais la fille au shorty rouge qui suit la cadence imposée par les meneurs ne rigole pas du tout, l’œil fixé sur le drapeau 3h30. La marathonienne n’est définitivement pas une rigolote.

Au 20e km, on est sur le bord du canal que l’on va suivre sur 6 km, vent dans le dos, il fait plus chaud, je déroule, les sensations sont bonnes. 21e, le semi, la moitié, le chrono affiche 1h44 et j’ai franchi le départ bien 20s après le top, plus l’épisode téléphone. Je suis super bien, pas de fatigue, je positive : je n’ai jamais été aussi facile sur un semi. J’ai envie de partir mais mon coach Eric «le trappeur» m’a bien répété « t’emballe pas, pas avant le 32e ».

A l’approche du 24e km le Pégasus Bridge s’étend au dessus du canal et une foule de supporters nous acclame. Passage devant le café Gondrée aux fenêtres chargées de drapeaux, ça applaudit de tout coté. Puis on continue  le long du canal et le calme revient. On longe le château de Bénouville, je bois lentement la bouteille attrapée au 25e, un petit coup d’éponge, je suis bien.

Presque au 26e km, on quitte le canal, je sais que les difficultés commencent ici, ça va monter doucement pendant plus de 10 bornes. Je commence à sentir mes jambes, mais je n’éprouve aucune difficulté à suivre les meneurs.

Passage au centre de Blainville-sur-orne, un orchestre joue du Jazz. Dans le virage à angle droit, un concurrent se gamelle suite à un croche patte involontaire : un peu d’aide et ça repart, pas de bobos, le gars doit bien avoir 65 ans, respect !

27e, 28e on est dans la côte avant Biéville-Beuville, rien de violent, les porteurs de drapeaux mènent toujours la danse à 4’55. Virage à angle droit dans Biéville, la petite descente me semble difficile à amortir : premier signe de fatigue ?
Montée vers la haute rue qui porte bien son nom, on sort du village pour voir la belle côte qui monte vers St-Ouen.

32e km, un peu de répit en entrant dans Periers-sur-le-dan, je suis toujours dans le train de 3h30, je suis dans le dur. Nouvelle côte en sortant du village, je me fais lâcher par les meneurs d’allure, gros coup de barre au 34e km, avant l’entrée dans Mathieu : picotements et sueurs froides.

Le ravito du 35e km est le bien venu : j’ai faim, je titube légèrement en ralentissant sur le stand, mauvais signe. Je m’enfile deux morceaux de bananes et je marche un peu en buvant ma bouteille d’eau.
Je n’ai plus rien dans les jambes : c’est donc ça le mur du marathon ? La panne sèche totale, 3 km avant je maintenais l’allure sans difficulté.

Je marche 500m, j’essaye de repartir, je trotte tant bien que mal jusqu’au Mesnil, 36e km, encore 6 km, une montagne...
Le train de 3h30 s’éloigne à l’horizon, le cerveau veut mais le corps ne suit pas : je repars autour du 37e en courant, je ne vois plus que la route devant moi et mes copains de galère, oubliés les meneurs d’allure, on se traîne pour finir. L’un marche, l’autre souffre à haute voix : c’est surréaliste.

J’atteins le 38e, 6’45, finir, plus rien dans les chaussettes.
Je marche de nouveau au 39e km, je repars, ravito du 40e km ,6’57.
Je bois, j’ai faim, je mange banane et quartier d’orange, je repars en marchant.
Le gars en maillot jaune qui souffrait le martyr à voix haute me dépasse de nouveau, encouragé par un partenaire qui lui dit « plus que 2 km, il faut tenir ».

Il a raison, finir, plus que 2 km, je ne vois plus le bord de la route, je prends le virage à gauche, je me remet à courir, finir…

…  « Monsieur, monsieur ! hé ho répondez ! Vous êtes là ? ».
Comme une sortie d’anesthésie générale : une silhouette en contre jour me parle... je suis bien.. je suis debout, on me tient fermement par le bras gauche.

Une autre silhouette féminine en contre jour sur la droite ... elle me demande  où je suis.
Je lui demande si je suis arrivé.
Elle me dit « c’est votre premier marathon »... sa voix est douce... je suis bien... est-ce la déesse du marathon de la liberté ?

Les visages s’éclairent lentement, je reviens : le coureur qui me soutient me dit que je zigzaguais et qu’il m’a retenu avant que je chute, il me demande de m’asseoir, il me tient toujours.
La fille me dit la même chose : c’est une participante aussi.
Je veux finir en marchant mais  manifestement je ne tiens presque plus debout. Je m’allonge sur la pelouse sur le bord, la fille me dit que je suis au 41e km, que ce n’est pas grave, c’est le premier, je finirai la prochaine fois. Les marathoniennes sont sympa tout de même.

Les secours déboulent, prise de tension, interdiction de repartir, « c’est peut-être le cœur, on ne prend aucun risque ».
Je finis en ambulance,  puis 5 minutes sous la tente : pas de problème de cœur, juste la  panne de carburant.

Je sors de la tente, derrière la ligne d’arrivée : j’ai échoué au niveau du 41e km, mon  chrono était à ce moment à 3h37, à 1200 m de l’arrivée. J’ai faim et soif, je vais tester le stand gastronomique.



La prochaine fois les Baskets de Seugy viendront en force sur ce splendide marathon.
La prochaine fois, le seul mur sera celui du mémorial de Caen, promis.

Fabien Super Basket.
 

Date de dernière mise à jour : 13/02/2016